Rencontre avec Philippine Dolbeau

Start'in Sorbonne
7 min readMar 14, 2020

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L’une des « 20 femmes qui changent le monde »

Entrepreneuse et conférencière de 20 ans, fondatrice de @NewSchool78, Philippine a créé sa startup à l’âge de 15 ans et est “La femme la plus innovante de 2017”. Elle est maintenant vice-présidente de Klassroom.

Quel est le principe de Klassroom ?

« Klassroom est une application de communication entre les parents et les enseignants, spécialisée dans les écoles primaires. Aujourd’hui nous sommes présents dans plus de 35 pays, avec 400 000 utilisateurs partout dans le monde. On a une équipe ici à Paris et une autre à New-York où il y a nos équipes de développeurs. Ce sont deux fondateurs français qui il y a trois ans ont crée Klassroom, et je suis ravie de faire aujourd’hui partie de cette si belle aventure. Je leur dois beaucoup car ils ont eu l’intelligence de faire confiance à quelqu’un de vingt ans, qui n’a pas de diplômes et qui n’a eu qu’une seule expérience professionnelle. »

Quel est ton parcours ?

« Quand je suis arrivée au lycée, j’ai découvert des cours de création d’entreprise et j’ai monté un projet qui s’appelait Newschool, un cahier d’appel électronique qui fonctionnait sur une application. J’ai développé ce projet toute mon année de seconde et j’ai ensuite participé au concours des jeunes entrepreneurs de moins de 15 ans que j’ai gagné. J’ai eu la chance par la suite d’être repérée par Apple avec qui j’ai travaillé pendant plusieurs années et travaille toujours. J’ai ainsi décidé de passer d’un projet scolaire à un projet professionnel et de monter réellement l’entreprise. L’application a été vendue à des centaines d’écoles, d’enseignants en France et récemment, en août 2019 j’ai revendu ma société à Klassroom où je travaille actuellement en tant que vice-présidente. »

Comment Apple t’a contactée ?

« En mai 2015, à la fin de mon année de seconde je participe donc à un concours de jeunes entrepreneurs de moins de 15 ans, concours organisé par la société Digischool. Lors de la finale j’ai présenté mon projet dans un théâtre devant un parterre de journalistes, chefs d’entreprise, et parfaits inconnus … Ils se trouve que dans ce public il y avait quelqu’un qui travaillait chez Apple. Deux mois après alors que j’avais rangé mon projet dans un tiroir en me disant qu’il fallait que je bosse pour le bac, je reçois un mail d’un monsieur qui travaille chez Apple à un niveau européen me disant qu’il a entendu parler de mon projet et qu’il me propose de venir le présenter le lendemain à Londres. J’ai pris un Eurostar, j’y suis allée, j’étais très stressé… Et depuis je travaille avec eux ! Il n’y a eu aucune contrepartie financière, je n’ai pas eu de prêt ni d’argent de la part d’Apple et je ne leur en verse pas non plus. C’est vraiment du conseil, et j’ai une chance énorme qu’une entreprise de la taille d’Apple ait mis à disposition des ressources et des gens pour aider de toutes petites startups comme la mienne à l’époque. »

Pourquoi avoir vendu Newschool ?

« En août 2019 j’ai vendu Newschool à Klassroom, cela fait partie d’une réflexion de plus de deux ans. Le cofondateur de Klassroom, Franck-David Cohen, était venu me voir deux ans auparavant en me faisant une première proposition me disant qu’il aimerait que je travaille avec lui. A l’époque je venais à peine de lancer mon entreprise et j’avais envie de tout faire pour que ça marche avec moi et mes petits bras musclés ! Il s’avère que j’ai été impressionnée par ce que faisait Klassroom et je me suis dit que j’avais vraiment envie de rejoindre cette aventure. Quand le président de Klassroom m’a refait une proposition l’été dernier, j’ai accepté parce que l’entreprise avait bien évolué

et moi j’étais assez seule dans ma boite. Toutes mes équipes étaient des gens qui travaillaient en freelance un peu partout en France, on n’avait pas de locaux. Tous les fonds financiers que j’utilisais pour Newschool étaient des fonds personnels et j’arrivais à bout ; malheureusement j’avais beau faire tous les babysittings de la Terre, je n’arrivais pas à tout financer. Et donc ça s’est fait très naturellement et c’est le meilleur choix que j’ai fait aujourd’hui dans ma vie. La technologie qui a été développée par Newschool les cinq dernières années, a été reprise par la suite par Klassroom. »

Pourquoi ne pas avoir fait appel à un fond d’investissement ?

« Je n’ai pas pu faire appel à des fonds d’investissement, à des prêts d’honneur ou tout autres types de financement. J’ai essayé, mais je me suis heurté à des stéréotypes que je pensais oubliés depuis longtemps. Je suis une femme, à l’époque j’avais 16–17 ans, je sors d’une filière littéraire, je n’ai pas encore de diplômes… Et donc tout ça fait que les fonds ne m’ont pas forcément fait confiance, c’est un énorme pari financier pour eux. »

Comment as-tu réussi à mener à bien ton projet ?

« Je crois que ce qui m’a vraiment aidé à développer Newschool ainsi que ces cinq dernières années c’est le fait que j’ai cru en mon projet dès le début. Mon entourage, ma famille et mes amis, m’ont permis d’avoir confiance en moi et m’ont poussée à y aller. Au fil des rencontres, des mois et de toutes les expériences que j’ai pu avoir grâce à Newschool je me suis dit que c’était une formidable aventure humaine et qu’il fallait y aller malgré tous les petits aspects négatifs et coups durs. »

Quels ont été les impacts des réseaux sociaux et des médias dans ton parcours ?

« Je me suis énormément servie des réseaux sociaux notamment après ma première interview télévisée sur BFM Business le 7 janvier 2016. Le 25 janvier 2015 j’étais à un repas de Noël et un de mes cousins me dit Philippine, il faudrait que tu montes ta boite, maintenant que tu as une première version de ton application, il faudrait que tu en parles afin d’avoir des avis critiques sur ton projet. Le meilleur moyen d’avoir un avis critique c’est d’en parler à des journalistes spécialisés. On a choisi ensemble la chaîne de télévision BFM, et on a envoyé un mail tout simple à un journaliste au hasard où j’expliquais qui j’étais et mon projet. Deux jours plus tard le rédacteur en chef de BFM Business me répond en me proposant de passer à la télévision. Je suis passée la semaine d’après à 7h20, j’étais super stressée et je me suis dit c’est très bien que je passe à cette heure-là car je pensais que personne n’allait regarder. La vidéo a fait plus d’un million de vues en moins de 48h donc j’ai été propulsée un peu malgré moi sur la télévision, Facebook, twitter, Instagram… Je me retrouvais dans des mêmes, dans des articles dont je n’étais même pas au courant qu’ils étaient publiés. Les réseaux sociaux m’ont aidée dans la construction de ma boite et à trouver mes entreprises partenaires. »

Une journée type avec toi ça donne quoi ?

« Alors une journée type avec moi est mouvementée ! On commence tôt, moi je travaille sur la communication externe et institutionnelle. Je vais voir des ministères, des investisseurs je vais parler de toutes les actualités de Klassroom à la fois sur les médias mais aussi sur les réseaux sociaux. Je m’occupe également du développement de l’application et de la société aux Etats-Unis notamment. »

Comment gères-tu tes études en parallèles de ton activité professionnelle ?

« En septembre 2017 j’ai décidé de partir à Londres pour l’aspect international, pour faire des études de sciences et politiques de l’éducation. Ce n’était pas évident parce qu’en même temps j’avais ma boîte à gérer, des gens à payer, une application qu’il fallait continuer à développer notamment en France. J’avais une double-vie, j’allais en cours le matin, le midi lorsque j’avais du temps j’en profitais pour répondre à des clients et l’après-midi j’essayais de gérer au maximum mon entreprise. Mes journées étaient très chargées, j’étais très fatiguée cette période-là, et encore j’avais la chance d’avoir le statut d’étudiant entrepreneur qui me permettait d’avoir mes journées divisées en deux. »

Que t’ont apporté tes échecs ?

« Les échecs on n’en parle pas beaucoup dans les médias ou dans les articles qu’on peut lire sur mon aventure et pourtant ce sont ces échecs qui m’ont fait avancer. A chaque fois que je me suis pris des claques, qu’elles soient personnelles ou professionnelles mais toujours liées à mon activité, c’est là où j’ai le plus appris. Je me souviens de ma première, on venait de sortir un nouveau produit chez Newschool et j’avais écrit à plusieurs chefs d’établissement en France vers début juillet. J’ai reçu une réponse d’un chef d’établissement me disant que je n’avais rien compris au monde de l’éducation en envoyant un mail en plein milieu des vacances scolaires et que je devais aller développer mon produit ailleurs. Au début j’étais vexée mais je me suis vite rendue compte qu’il avait raison. »

19 Décembre 2019

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Fondée en Novembre 2015, Start’in Sorbonne est une association qui a pour but de promouvoir l’entrepreneuriat auprès des étudiants de l’Université de Paris 1.