[DOSSIER] La FinTech, nouvelle usine à licornes ?

Start'in Sorbonne
12 min readFeb 15, 2019

La technologie à l’assaut de la finance

Contraction des termes “finance” et “technologie”, l’expression “FinTech” est apparue à la fin des années 1980 dans les pays anglo-saxons. Elle désigne les entreprises innovantes utilisant les nouvelles technologies pour fournir des services financiers. Il s’agit généralement de startups mais aussi, parfois, d’acteurs traditionnels du secteur bancaire, financier et assurantiel.

Ces entreprises visent à réinventer la finance, à la rendre plus adaptée aux attentes du public. Six segments d’activités composent le marché des services financiers. Ce sont les secteurs du paiement, de l’assurance, des dépôts et prêts, de la levée de fonds, de la gestion d’investissements ainsi que du provisionnement du marché. Les FinTech connaissent un essor considérable depuis la crise financière de 2007 et plus encore depuis 2015. En effet, 47 milliards de dollars ont été investis dans les FinTech en 2015 ce qui est sans commune mesure avec les années précédentes. Cet intérêt pour les FinTech se concrétise; puisque 34% des nouveaux comptes en France en 2018 ont été ouverts au sein d’une néo-banque. Aussi, la FinTech semble avoir de très beaux jours devant elle puisque l’ACPR évalue à 13,3 millions le nombre de clients de néo-banques à l’horizon 2020. À titre de comparaison, BNP Paribas dispose aujourd’hui de 6,7 millions de clients.

Pourtant, d’après une étude de Deloitte, 83% des français ne connaissent pas le terme “FinTech” ; alors même que les FinTech européennes sont extrêmement bien positionnées sur le marché. Par exemple, la banque mobile allemande N26 est valorisée à 2,7 milliards de dollars et il ne s’agit pas de la seule licorne européenne dans le secteur des services financiers puisque Revolut et Transferwise sont également valorisées à plus d’un milliard de dollars.

L’émergence des FinTech justifiée par la nécessité de simplifier les services financiers

À l’ère de la digitalisation, il apparaît que les acteurs traditionnels du secteur financier ont du mal à se renouveler et à tirer profit des nouvelles technologies. Ainsi, leur efficacité, leur modernité et leur évolutivité sont régulièrement critiquées. Pourtant, elles demeurent toutes puissantes en raison de leur capacité financière façonnée de longue date. En effet, celle-ci leur permet de proposer une offre produits extrêmement vaste, de se mettre rapidement en conformité avec la réglementation toujours plus complexe ainsi que d’assurer une bonne sécurité des données personnelles de leurs clients. Aussi, il ne faut pas négliger le poids de la confiance accordée aux grands acteurs bancaires et assurantiels.

Toutefois, malgré ces atouts indéniables, il semble que les millenials, en quête de rapidité, d’indépendance et de simplicité ne se satisfont plus des services proposés par les acteurs historiques.

C’est en cela que les FinTech sont extrêmement prometteuses. Elles permettent de faire entrer la simplicité et l’autonomie demandée; dans le secteur des services financiers et cela à des tarifs très compétitifs. Par exemple, les néo-banques proposent une entrée en relation bancaire à distance, en seulement quelques minutes et pour un coût très attractif.

L’impressionnante diversité des solutions apportées par les FinTech

Les FinTech B2C

Les FinTech B2C (business-to-consumer) sont celles s’adressant au grand public. Des néo-banques aux cagnottes en ligne (Leetchi, LePotCommun etc.), applications de paiement (Lydia, Pumpkin etc.) ou de gestion des finances personnelles (Bankin, Lixo etc.) en passant par les outils de gestion de patrimoine (Grisbee) et d’investissement automatisé (Marie Quantier); l’offre est désormais extrêmement vaste.

Les banques en ligne et néo-banques

Les banques en ligne sont majoritairement développées par les acteurs bancaires traditionnels, cherchant à se réinventer sans toutefois faire preuve d’une réelle innovation. En effet, elles proposent un service qui est certes digitalisé via leur interface web, mais qui ne disrupte pas les pratiques ni le marché. Il s’agit par exemple de BforBank (Crédit Agricole), Boursorama (Société Générale), Fortunéo (Crédit Mutuel) ou encore HelloBank (BNP).

Les néo-banques (ou banques mobiles) sont des banques uniquement digitales, qui ne sont accessibles que via une application mobile et s’appuient sur les innovations technologiques pour formuler des offres en adéquation avec les attentes et les comportements des usagers bancaires.

Outre la simplicité et l’autonomie qu’elles proposent, elle renferment également une promesse d’ordre social en ce sens qu’elles n’exigent pas de conditions de revenus, maitrisent les frais d’incidents et n’appliquent pas de frais supplémentaires pour les opérations effectuées à l’étranger.

Leur succès réside principalement en leur capacité à agréger plusieurs briques technologiques afin de proposer le meilleur des services dans des domaines définis à des tarifs compétitifs (outils de gestion, paiement, UX, application fluide et ergonomique etc.). En cela, elles offrent une réelle alternative aux banques traditionnelles et devancent également les services en ligne développés par ces dernières.

Le passeport européen dont bénéficient depuis 1999 les établissements de crédit agrées au sein de l’espace économique européen permet aux banques en ligne d’exercer librement leurs activités au sein de ce territoire, comme toute banque classique. Toutefois, les banques britanniques telles que Monzo doivent actuellement faire face à la sortie de la Grande Bretagne de l’Union européenne et ainsi à la perte de leur passeport européen. C’est d’ailleurs pourquoi Revolut, par anticipation, s’est faite agrée en Lituanie. Celle-ci donne accès à plus de 26 devises dont 5 cryptomonnaies, à frais réduits. Après avoir levé 336 millions de dollars, la société est aujourd’hui valorisée à 1,7 milliards de dollars. Mais Revolut n’est pas la seule néo-banque européenne à connaître un très fort développement.

N26, la première banque européenne 100% mobile offre un service bancaire en temps réel et notamment la possibilité d’ouvrir un compte en ligne en seulement 8 minutes. Après avoir levé 513 millions de dollars, N26 est désormais valorisée à 2,7 milliards de dollars et dispose d’une solide base de 2,3 millions de clients.

S’il est vrai que le modèle de néo-banque séduit de plus en plus d’utilisateurs, seule une poignée d’entre elles connait un réel succès exponentiel puisque l’on estime que les trois quarts de comptes ouverts dans une néo-banque le sont au sein de Revolut et de N26.

Les cagnottes en ligne

Les cagnottes en ligne telles que Leetchi ou LePotCommun, permettent aux particuliers de collecter de l’argent de manière très simple. Elles sont très appréciées pour mettre en oeuvre le financement de projets, cadeaux et dépenses de groupes.

Les applications de paiement

Les applications de paiement telles que Lydia ou Pumkin permettent d’effectuer un paiement direct, immédiat et sans frais.

Par exemple, Lydia propose une application gratuite dans laquelle l’utilisateur entre ses coordonnées bancaires et peut payer directement un autre utilisateur de l’application.

Des services plus sophistiqués commencent à être présentés par ces applications de paiement à l’image de Lydia qui vient de lancer ses “comptes partagés”. Ces derniers, inclus dans la version premium du service facturée à 2,99 euros par mois, permettent de créer un sous-compte qui peut être partagé avec autant de tiers que nécessaire et approvisionné par eux, depuis un autre compte Lydia, mais aussi par virement ou par carte bancaire. Cette dernière fonctionnalité répond notamment aux volontés des millenials, en couple, de conserver aussi longtemps que possible leurs comptes personnels respectifs.

Les outils de gestion des finances personnelles

Il est de plus en plus courant d’avoir plusieurs comptes bancaires ouverts dans des établissements différents. Mais la gestion de ces comptes peut alors paraitre délicate. C’est pourquoi il existe désormais des agrégateurs bancaires, qui permettent de centraliser, dans une seule et même interface mobile, tous les comptes d’un utilisateur (compte épargne, compte de dépôt, compte courant, compte de paiement…).

L’usager peut alors avoir accès à tout moment, au solde de ses différents comptes et suivre en temps réel l’évolution de ses finances. Certaines applications proposent même une analyse des dépenses, poste par poste (déplacements, loisirs, logement etc.) ainsi que des alertes personnalisées. Ces applications sont spécialisées dans un domaine particulier. Par exemple, Linxo alerte l’utilisateur lorsque il risque d’entrer en découvert et lui propose d’effectuer un virement de compte à compte. Budgea, elle, permet de créer des plafonds de dépenses et ainsi éliminer les dépenses superflues.

Si l’utilité de ces applications ne fait doute, se pose une difficulté majeure qui est celle de la sécurité des données bancaires. En effet, en cas de vol du mobile sur lequel est installée l’application, celui ayant dérobé l’appareil pourra accéder aux comptes et effectuer aisément des opérations sur ces derniers.

Les outils de gestion de patrimoine

Les préoccupations financières sont omniprésentes mais les réponses qui y sont apportées sont largement insuffisantes. Seule une minorité de français a accès aux services de conseillers en gestion de patrimoine ou aux conseils de banquiers privés. C’est pourquoi certaines sociétés, à l’image de Grisbee, proposent à tout épargnant de bénéficier de conseils de qualité, adaptés à leur situation financière et personnelle ainsi que leurs besoins réels. Grisbee se veut un véritable “coach financier en ligne” démocratisant la gestion de patrimoine.

Les outils d’investissement automatisé

Les “robo-advisor” sont un ensemble d’algorithmes suggérant une allocation d’actifs, une sélection de produits financiers en fonction du profil de chacun (âge, horizon d’investissement, aversion au risque etc.) et de l’évolution des marchés. Ils optimisent la composition de portefeuilles et maximisent les rendements. Nés aux Etats-Unis, ils triomphent au sein de trois sociétés: Betterment, Wealthfront et Personal Capital qui ont levé à elles-seules, plus de 500 millions de dollars et sont aujourd’hui valorisées à plus 800 millions de dollars.

La France commence à rattraper son retard en la matière; grace à des startups très prometteuses telles que Marie Quantier, Advize ou encore Wesave et Yomoni.

Ainsi, les Fintech BtoC sont extraordinairement variées et démocratisent l’accès aux services bancaires et financiers en les simplifiant et les rendant plus accessibles.

Les FinTech B2B

Les FinTech B2B (business-to-business) sont celles s’adressant aux entreprises. Il s’agit notamment de néo-banques, qui proposent aux entrepreneurs, PME ou grands comptes différents services bancaires et financiers.

Avec la création du statut d’auto-entrepreneur en 2008 et celui d’entreprise individuelle à responsabilité limitée en 2011, le nombre de petites sociétés a exponentiellement cru. Toutefois, les acteurs bancaires traditionnels ont été incapables de proposer des services adaptés aux détenteurs de ces nouveaux statuts c’est à dire une transparence, efficacité, simplicité et des coûts attractifs. Qonto, Shine, N26 Business cherchent à pallier à ces déficiences par l’usage des nouvelles technologies.

Qonto s’est par exemple fixé une mission: simplifier le quotidien bancaire des petites et moyennes entreprises ainsi que des indépendants. Ils ont actuellement 25 000 entreprises clientes, ont levé 32 millions d’euros et entament une prometteuse expansion européenne (Espagne, Allemagne, Italie …)

Par ailleurs, d’autres startups développent des produits plus spécialisés; tels
que le transfert de devises en ligne (Kantox) ou l’affacturage dématérialisé (Finexkap).

Les FinTech B2B2C:

Les FinTech B2B2C s’adressent tant à des professionnels qu’à des consommateurs lambdas.

Ce sont notamment les plateformes en ligne proposant de nouvelles et diverses sources de financement. Le financement participatif, qui met en relation des porteurs de projets et des investisseurs est en plein essor. Qu’il s’agisse du crowdfunding (KissKissBankBank, Ulule etc.), du crowdlending (Lendix, Lendosphère etc.), ou encore du crowdequity (Sowefund), ces plateformes deviennent la norme et incitent les acteurs traditionnels à intervenir plus en amont.

Les InsurTech

L’InsurTech (ou “AssurTech”) désigne l’ensemble des startups utilisant les nouvelles technologies pour disrupter le secteur de l’assurance. Leur essor est récent, puisque la moitié des startups françaises dans ce domaine ont été créees en 2015 et 2016. Des compagnies d’assurance (Alan), aux courtiers-vie (Nalo), en passant par les courtiers non vie (+Simple.fr), les comparateurs (Fluo) et les assurances collaboratives (Inspeer, Otherwise); l’offre est d’une richesse remarquable.

Alan est une des pépites françaises soutenue (entre autres) par Xavier Niel et Partech, qui a levé au total 37 millions d’euros. Elle est agrée depuis 2016; alors qu’aucune compagnie indépendante ne l’avait été depuis 1986. Alan répond à un besoin né de la loi ANI (2016), qui impose aux entreprises de fournir une complémentaire santé à leurs salariés et de financer celle-ci à hauteur de 50% minimum. En effet, la start-up qui se veut « l’assurance santé 100% en ligne, zéro papier », « garantie sans maux de tête », permet à une entreprise de s’enregistrer sur son site puis d’inviter les salariés à adhérer et à gérer eux mêmes leur compte.

Par ailleurs, les startups ont désormais une solution qui leur est dédiée, développée par Assurup. Cette dernière accompagne les entrepreneurs en leur proposant des contrats d’assurance adaptés à leurs besoins, grâce à un algorithme réalisant une cartographie des risques de chaque société. Là encore, cela permet de pallier aux déficiences des acteurs traditionnels dans la prise en compte des nouveaux acteurs ainsi que de leurs besoins.

Les RegTech

Les RegTech sont destinées à gérer, grâce aux nouvelles technologies, tous les aspects règlementaires financiers. Qu’il s’agisse du calcul des ratios, de la remise des rapports financiers ou encore de la mise en conformité avec les exigences KYC (Know your customer); elles ont vocation à connaitre une croissance exceptionnelle tant les enjeux sont immenses. En effet, face à une inflation règlementaire née de la crise des subprimes, à l’émergence de nouveaux acteurs du secteur bancaire et financier (néo-banques etc.) et à l’accroissement du rythme de remise des rapports, l’entrée des outils innovants dans le secteur règlementaire devient indispensable. Les RegTech vont permettre d’améliorer la réactivité, la flexibilité et d’éviter des erreurs lourdement sanctionnées par les régulateurs. L’une des plus hautes ambitions des RegTech est de faire usage du Big Data et de l’intelligence artificielle afin de permettre la gestion et l’analyse automatique des informations.

Par exemple, Fortia Financial Solutions est une plateforme modulaire et agile, mise à disposition des entreprises et visant à prévenir les risques de fraude et de non conformité.

Aussi, Neuroprofiler évalue les profils d’investissement grâce à la finance comportementale pour une meilleure conformité et connaissance client.

La FinTech: écosystème durable ou éphémère ?

La nécessaire interaction des sociétés innovantes avec les acteurs traditionnels

Certaines FinTech offrent des services que les banques, compagnies d’assurance, établissements de paiement et sociétés de financement refusaient de proposer en raison de leur faible rentabilité. Toutefois, nombreux sont les produits développés par une start-up puis rachetés par une entreprise historiquement présente sur le marché. Le rachat de Leetchi et Mangopay par le Crédit Mutuel Arkéa en est une très belle illustration. En effet, après avoir conquis 4 millions d’utilisateurs dans 150 pays et obtenu l’agrément d’établissement de monnaie électronique, Leetchi ne s’est pas laissé arrété par son utilisation B2C et a développé MangoPay, un intemédiaire de paiement pour marketplaces. Le tout a été racheté en 2015 pour un montant estimé à 50 millions d’euros. À cette occasion, Ronan Le Moal, directeur général du groupe Crédit Mutuel Arkéa soulignait que “notre avenir passe par notre capacité à travailler avec les FinTech”. De l’autre coté, Céline Lazorthes (fondatrice de Leetchi) estimait que “Ce mariage témoigne de la complémentarité qui existe entre les FinTech et les établissements traditionnels”. Il est vrai que les acteurs du système financier ont beaucoup de mal à développer de réels produits innovants par eux mêmes et plus largement à se réinventer. Ils commencent ainsi à être concurrencés et le rapport de force change en ce sens que le consommateur n’est plus contraint de contracter avec ceux-ci et se voit offrir la possibilité d’utiliser de nouveaux services.

De nombreux défis restant à relever

Si les pratiques tarifaires très compétitives et offensives des FinTech permettent leur croissance; leur modèle et leur rentabilité sur le long terme sont encore problématiques. Il leur faut se créer une image de marque à la hauteur de celle des acteurs traditionnels présents sur le marché depuis des décennies. Ainsi, si les montants levés par les startups paraissent très élevés; il convient de mettre en perspective ceux-ci avec leurs besoins. En effet, le secteur financier est fortement exigeant et très sensible en ce sens qu’il manipule directement des fonds. Qu’il s’agisse des autorités publiques qui imposent d’importantes normes prudentielles ou des consommateurs qui attendent une transparence et une sécurité sans failles; la FinTech est certainement l’écosystème le plus surveillé. L’agrément devant être impérativement obtenu par les établissements de crédit est particulièrement onéreux en raison des exigences qui le gouvernent. De même, les garanties imposées par les régulateurs (fonds propres, ratios …) sont de nature à impacter sérieusement leur budget. Par exemple, Boursorama affichait des pertes de 48,8 millions d’euros en 2017. Aussi, les FinTech ont également une source de dépenses non négligeable; celle des offres commerciales, des parrainages et de la rémunération des ambassadeurs. Enfin, les FinTech proposant des services entièrement dématérialisés; elle doivent combiner avec un risque élevé de blanchiment de capitaux et de financement d’activités illégales. D’ailleurs, des règlementations nationales et internationales sont attendues et vont largement déterminer l’avenir de cet écosystème.

Ainsi, l’écosystème FinTech est en ébullition et les financements et valorisations émerveillent. Toutefois, cela n’est encore en aucun cas comparable avec la puissance économique, politique et financière des grandes banques et compagnies d’assurances. En cela, une complémentarité entre les FinTech et les acteurs traditionnels est indispensable à leur survie respective.

Camille HERVÉ 💡

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